Les sous dans l’eau

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Exposer c’est s’exposer, c’est se mettre à nu, se livrer. Le vernissage est une sorte de tribunal où l’artiste, à la barre, navigue en évitant les écueils, en souriant au vent léger de la considération, en s’écartant de la houle qu’il apaise de mots.. Il attend la bouée. Il attend les bouées, celles qui rouges comme le soleil d’Austerlitz, se collent sur ses oeuvres et lui annoncent la victoire. Il a soif d’une mer d’yeux, de mots onctueux, de désirs à assouvir et du doux bruit de l’achat. Et puis il partira, attendant à distance les résultats d’une moisson idéalisée, laissant l’autre lui-même, celui qui par délégation doit oublier son nom pour revêtir le sien, faire vivre et respirer ce qui, accroché aux murs de la galerie, est une partie de son âme.

La galerie est une huître qui se nourrit du passage et meure d’abandon. Accrochée à sa rue elle ne peut que crier des mots si difficiles qu’ils semblent se dessécher à parcourir l’oubli. L’artiste, qui voit en elle le port calme d’un arrêt, y rêve de tempête, de pluie diluvienne, de raz de marée. Le galeriste aussi.
Accrocher un artiste c’est devenir son ombre dans une lumière de mots qui éclairent son travail. Encore faut-il des yeux et des oreilles pour se lire et s’entendre dans ce qui n’est, pour certains, que papier ou toile plus ou moins bien colorés, très peu décoratifs et bien trop narratifs.

Pardonne moi PAULINO de parler de ton travail en parlant de celui des autres. Le mien de travail est de porter vos absences au coeur même du bruissement de votre art. Pour ça, merci. Pour le reste, la paternité de la réussite ou de l’échec m’incombe par gravitation – les sous ne flottent pas dans l’eau.