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Exposer un artiste c’est se risquer à une visite spéléologique. Passé l’intérêt d’une vue rapide de son travail, d’un centrage personnel qui fixe un peu le champ dans lequel il s’exprime et les échos qu’il suscite, une fois faite la séduction de l’approche et prise la décision de l’accroche, tout commence. C’est comme pénétrer dans une grotte qui, au fur et à mesure de l’accoutumance visuelle, libère des images qui s’envolent comme des chauves-souris des oeuvres exposées.

Certains parlent d’Univers, ce qui me fait penser à Unilever, ça lave bien le paysage dans lequel trottine en sautillant l’artiste fatalement passionné par son sujet et qui nous guide et qui nous dit tout. Cette visite intestinale et souterraine à laquelle je me livre est terriblement subjective et si elle laisse à penser que c’est de l’artiste dont il est question, il vaut mieux considérer que c’est le narrateur qui se raconte, éclairé par l’oeuvre au travers de laquelle il se parle. Sans elle, sans cette oeuvre, il n’y aurait pas le tissage des mots qui habille la pensée qu’elle suscite.

Certaines oeuvres sont plus nourrissantes que d’autres et libèrent plus rapidement le fil de la conversation, car c’est bien une conversation qui s’opère avec elles et par leur truchement avec les artistes dont elles sont issues. On ne se voit que dans un miroir, qu’il soit de glace, d’oeil, de papier ou de toile. Regarder une oeuvre c’est se regarder, se voir à l’intérieur par la fenêtre au travers de laquelle on se penche sur soi. Dire cela est une banalité, on entend parler de coup de coeur, d’aimer ou de ne pas aimer, c’est-à-dire on entend parler de soi….

C’est pourtant là que commence le travail qui consiste à ne pas se regarder dans la photo figée de ce que l’on croit être nous-même et de ne pas avoir peur d’avancer dans la brume, ce fragile voile si facilement déchirable mais qui semble à certains le plus impénétrable des préjugés. Et l’artiste dans tout ça ? Ha, l’artiste !

Sur mes murs, lui qui habite mes pensées comme ses pensées habitent ses oeuvres, je lui propose de se regarder par mes yeux et d’entendre les mots qu’il sème dans ma pensée et de s’y voir peut-être, sans doute différent. Je ne suis pas critique d’art comme on est critique gastronomique, je suis un mangeur, un mastiqueur, une sorte de branleur … de manche à pensée et je l’embrasse l’artiste qui me l’embrase.