PEINTURES EXPOSITION DU 14 OCTOBRE AU 30 NOVEMBRE PLUSJEAN PAUL SOUVRAZ
Il
faut être fou pour ouvrir une galerie en pensant qu’elle est le
couloir d’entrée à une mine d’or sociale et morale. La galerie
et une forme de galère à laquelle on se condamne soi-même et comme
tous les accros on arrête le soir et recommence le lendemain. Il ne
faut pas croire que ces paroles soient pessimistes, elles ne sont que
désespérées.
Le
mal actuel, dans l’art, est la disparition des galeries qui sont
submergées par les Eldorados
du numériques, les
salles des ventes ou les ventes de salon. Cette sorte
d’amazonisation laisse croire à son inutilité alors qu’elle est
le lieu de la première reconnaissance professionnelle de l’artiste
et la première présentation de son travail.
Il ne faut pas
croire que la vie soit un long fleuve tranquille avec certains
artistes, qui pensent que s’ils sont achetés c’est grâce à
leur talent et que s’ils ne sont pas vendus c’est dû à
l’indigence du galériste, qui devient alors un encombrant et très
cher intermédiaire, oubliant de ce fait le sacerdoce de l’attente,
de la mise en lumière de leurs œuvres et le coût financier qu’ils
n’ont pas à assumer.
Quelques galeries, croyant fortement à la
relation humaine, à la valeur du temps, aux partages des sensations,
résistent. Chacune a une spécificité et s’adresse à une
typologie artistique et commerciale spécifique. À Rouen, nid
douillet de l’impressionnisme, à deux pas de l’extraordinaire
Musée des Beaux-Arts de la ville, au 75 de la rue Bouvreuil qui est
au pied de la Tour Jeanne d’Arc, il y a une galerie d’art depuis
bientôt 10 ans, la mienne. Ce
petit lieu, d’un peu plus de 20 m2, est consacré, à
« l’expression narrative », car il faut une identité
forte pour ce faire connaitre et être repéré, ce qui ne l’empêche
pas de faire des incursions dans le Singulier ou dans l’Abstrait.
Dans cette galerie, il a été accroché jusqu’à lors, une
quarantaine d’artistes, dont plus de la moitié de femmes qui sont
avant tout, sur les murs de la galerie, des artistes, mot autant
masculin que féminin. Les expositions qui sont généralement
d’un mois et demi, jouent à cache-cache avec les vacances
scolaires ces grandes videuses de population urbaines.
Quelques
artistes régionaux sont, ou ont été, exposés pour leurs premières
expériences professionnelles, ou pour un coup de pouce, ou par
amitié ou pour des raisons plus profondes, mais en général, la
GALERIE 75, car c’est son nom, expose des artistes lointains et
c’est le sens d’une galerie que de représenter, ceux qui ne
peuvent pas se déplacer et qui ont besoin d’une voix en dehors de
leurs ateliers. Cette voix je la porte haut et fort en luttant contre
ce qui souvent se dit, allant du fameux « coup de cœur »
à « je ne mettrais pas ça chez moi ».
Il fut un
temps où Cézanne, Utrillo et tant d’autres entendirent au sujet
de leurs travaux ce genre de fadaises.
Militant ?
oui, il faut être militant pour se jeter dans ce qui est aussi une
incongruité car une galerie n’est pas un commerce comme les
autres, du moins la mienne où je ne cherche pas à présenter ce qui
est attendu, mais à proposer une autre lecture de ce qu’est une
œuvre d’art, qui peut, bien sûr, être décorative, mais qui
n’est surtout pas que décorative, c’est cette autre dimension de
l’œuvre que je tente de porter et de partager.
Une
galerie ne se conçoit que par les artistes qui y sont présentés,
au 75 chaque artiste expose une sélection d’œuvres qu’il
choisit lui-même et il expose seul pour la durée de son
accrochage.
Une grande partie de ceux qui exposent à la GALERIE
75 ont été rencontrés lors de salons ou par cooptation.
La
GALERIE 75 reçoit les artistes au sens complet du terme, sur ses
murs comme à sa table et fait publicité de leur travail dans les
encarts d’ARTENSION, car si le chiffre d’affaires n’est pas
fatalement assuré, la galerie fait tout son possible pour la
notoriété et le confort de ses invités.
À
chaque exposition et quasiment tous les jours, je fais un texte pour
soutenir le travail présenté. Cette narration sur la narration
exposée est une hypothèse de lecture destinée à ouvrir une porte,
celle de l’artiste, qui permet en la poussant d’inventer un autre
regard, d’abandonner la recherche de ce que l’on connait déjà,
pour découvrir et se découvrir.
Par
ses expositions longues et d’un seul artiste, la GALERIE 75 est sur
un standard quasi muséal, mais ne perd pas la volonté de la mise en
contact de l’artiste à l’acheteur, ce qui à Rouen, qui n’est
pas une ville de découvreurs à qui il lui a fallu beaucoup de temps
pour accepter l’Impressionnisme, n’est pas chose évidente.
La
GALERIE 75 est généralement ouverte de 15h à 19h sauf le dimanche,
mais reçoit sur rendez-vous.