Dialogue hargneux

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Les pastels sont les œuvres les plus récentes et certainement héritières de la simplification qui s’est opérée dans l’œuvre gravée, mais pour nous, qui faisons connaissance du travail de Jacques POULAIN, il y a un double choc, celui de la couleur et celui du dessin. POULAIN était-il fatigué de l’académisme ? Lui qui, au fur et à mesure, élagua son dessin pour se libérer des contraintes établies du « beau », privilégie, dans ses grands dessins au pastel, une gestuelle contrôlée au service de la composition. Le dessin, au sens classique, a disparu. Il n’en reste que des masses qui portent en elles l’ambiguïté de leur lecture.


Ce premier pastel que je vous propose est le plus « concret » de ceux que vous pouvez venir voir à la GALERIE 75 à Rouen. On y voit, sans trop de difficulté, deux personnages, peut-être Adam et Eve qu’une certaine cueillette pouvait opposer … ce qui me fait penser à nos édens actuels que sont les supermarchés et aux risques que l’on prend à croire que l’on peut s’y servir sans crainte … Les deux personnages sont à peine dessinés. Sont-ils le fruit d’une écriture que l’on pourrait dire automatique ou ont-ils été pensés ? Est-ce eux qui ont suggéré le titre ou étaient-ils au service de l’idée du peintre ?


En tant que graveur Jacques POULAIN démontrait un esprit vagabond dont les échos de pensées se lisaient dans la présence de personnages venus habiter une histoire qui n’était pas fatalement la leur. Ce mode de pensée, dans les pastels, est libérée et Jacques POULAIN suit son bras et sa main, allant vite, remplissant à peine les éléments d’une composition qui se met en place comme une conversation, abordant l’abstrait sans jamais y pénétrer. Je l’imagine, si cela ne l’avait pas guidé dès le départ, cherchant éventuellement un titre à la fin de son travail, titre qu’il nous offre mais qui détermine notre regard. Acceptons cette idée de déterminisme, cela nous évite peut-être l’égarement, cela nous permet peut-être d’emprunter son chemin pour cheminer à notre tour.