Père et fils

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« Père et fils », lequel est le père, lequel est le fils ? L’un voit dans l’autre ce qu’il est et ce qu’il n’a pas envie être, l’autre voit dans l’autre ce qu’il est et ce qu’il ne veut pas être. Dans ce tableau de PAULINO, qui est difficile de ne pas rattacher à CoBrA, l’un et l’autre se confondent en attention, c’est peut-être ça qu’on appelle le terroir.Le père semble au premier plan, plus attiré par son verre que par son fils, à moins qu’il ne porte un toast à ce fils, à moins qu’il ne soliloque en croisant son regard à la concavité du ciboire qui prolonge son bras, qui prolonge sa main.

Cette oeuvre, énigmatique comme un rapport filial, ouvre des possibilités d’une grande variété. Est-ce un départ, celui du fils, que le père salue d’un haussement de verre ? Ou, pourquoi pas, une arrivée que le père apprécie du même geste ? Dans cette composition, presque circulaire, où l’oeil du verre centre l’attention, il semble que le geste paternel, appuyé d’un sourire carnassier, soit comme un coup porté au visage du fils, lequel sous le choc semble se lever. Mais quoi ? ne faut-il considérer ce rapport que comme celui d’un combat ? N’est-ce pas une chanson qui anime, et le père et le fils, dans une communion que le contenu du verre sanctifie ?

S’il y a un verre il y a certainement une table, une table familiale, sur laquelle se partage le pain du repas et le vin, ce sang du peuple qui coule en consolation de celui répandu à la paix du labeur et à la guerre des autres, de celui que l’on dit être partagé par le fils, dont il arrive d’être fier puisque c’est le sang du père, dont il arrive d’avoir honte puisque ce sang salit le nom.

Buvons à la filiation, nous qui ne sommes qu’un des derniers rameaux, avant les suivants, d’une branche parmi tant d’autres branches de l’immense tronc de l’humanité. Buvons cette sève sévère qui ne tolère que l’abondance et jamais l’excès. Buvons à chanter et le père et le fils, mais surtout, et les mères et les filles, sans qui aucune branche ne pourrait pousser, sans qui aucun tronc ne saurait exister.