Le voile de Véronique

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Recto

Qu’elle histoire que cette montée du Golgotha. Le spectacle fut grandiose et pleinement partagé par une foule aussi compacte que celle qui accompagne les coureurs au sommet du Galibier. Mais en ce temps-là, la caravane publicitaire était une compagnie de soldats et la foule n’aspergeait pas les valeureux grimpeurs pour hydrater leurs corps endoloris d’efforts. Elle se contentait d’insulter et de cracher sur le seul objet de son enthousiasme, pris dans l’étau d’une double rangée vociférante.

Véronique, prise de pitié, prit son voile et le tendit à l’être conspué, souillé de crachats, de sang, de sueur et de larmes. Il le lui rendit. Ce ne fut que plus tard qu’elle vit. D’autres versions existent. Celle-ci est pour le moins épique.

Certains disent que ce fut le premier cliché Polaroïd – marque qui fut déposée, mais bien plus tard. Le point commun entre le voile et le cliché polaroïd est le coffre-fort, qui pour l’un protège sa sacralité et pour l’autre protège le paquet de pognon que génèrent les vieux clichés en phase d’effacement.
Le geste de Véronique fut détourné par Costillares. Mais là, en tendant le voile devenu cape, ce n’est pas pour essuyer les blessures que lui-même porte, mais pour fatiguer le taureau qu’il conduit à la mort.

Ah ! Véronique, inique approche d’un geste généreux ! La botanique, pourtant, avait associé ton nom à une petite plante, que l’on dit de cimetière tant elle résiste aux peines de la vie. Ses fleurs semblent des visages, à peine dessinés.Catherine Wolff, comme tant d’autres avant elle, a repris cette idée de mémoire qui pourrait se résumer dans ce que l’objet rappelle.

Mais la fûtée WOLFF, dévoreuse de papier, fit pour cette œuvre l’économie d’une feuille et, comme pour une pièce de monnaie, lui donna le pile et le face de l’indécision d’accroche qui, en fait, n’est qu’une traduction plus ou moins consciente d’un regard intérieur.

Verso

Diable !, et c’est le cas de le dire, car ce Diable est au verso du « voile de Véronique », celui que Catherine Wolff nous fît et que la GALERIE 75 vous propose de venir voir. Il me semble bien que le « bon petit diable » en avait un, lui aussi, de diable, sur le derrière.

Catherine WOLFF doit-être une adepte de la comtesse de Ségur, une sacrée conteuse, celle-là, un peu comme elle qui n’est pas la dernière à nous raconter en peinture ce que les mots peuvent nous dire. Pauvre Véronique, déjà exploitée de nom par un danseur de mauvaises aventures pour taureaux, la voilà recto-versoïfiée.

Connaissant l’autrice de cette blasphémation picturale, je me demande si ce n’est pas une façon de nous dire de nous méfier des cadeaux offerts en remerciement d’un service rendu sans avoir été demandé, ou si l’évidente consolation n’est que le prix à payer.

Ce qui est amusant c’est le sens de lecture. Ah ! quel petit ange cette essuyeuse de face salie …

Plus jeune j’étais amoureux de ce prénom « Véronique ». Je n’étais pas le seul, la première fusée française porte ce joli nom. Les amateurs de train préféraient Micheline et il doit bien y avoir d’autres utilisations du genre à nommer un balai, des biscuits et un tas d’autres trucs « Jeanne d’Arc ».

Mais j’aime bien Véronique, mais je dois dire que la coquinerie de Catherine WOLFF à mettre sur la même feuille la chose et son contraire, n’est pas sans me faire un plaisir particulier dont je la remercie.