Comme dans une futaie profonde, comme devant de gigantesques piliers d’une cathédrale noyée de nuit, elle vit un temps qui ne lui appartient plus.
CLOVIS a nommé cette toile « le triangle de Karpman », je ne retiendrai que l’omniprésence du triangle, forme géométrique la plus stable, que l’on retrouve en constance dans cette « femme à l’enfant » qui évoque plus une piéta qu’une maternité.
Le triangle de la composition générale, le triangle de sa chevelure, le triangle de sa main ouverte et tant d’autres … tout est stable, figé, immobile, à l’image du visage figé dans l’anéantissement d’une pensée. Les mains sont ouvertes, même celle qui devrait tenir l’enfant, qui lui s’accroche à un doigt d’une immensité végétale. Les paumes tournées vers un ciel de couvercle ne prient aucun dieu, elles attendent, inutiles, CLOVIS les éclaire pour souligner leur étrange appartenance, elles sont comme posées et sans vie.
Les mains de l’enfant sont actives et soutiennent son regard, accompagnent sa bouche et la rondeur de son corps. L’enfant tient un doigt de sa mère et de sa main désigne la volonté du départ, de la vie, bien que son doigt soit plié, évoquant une incertitude que seule la main de sa mère, fermée sur son corps, pourrait effacer.
Lui veut vivre et s’enfuir, elle, elle se dilue. CLOVIS montre cette disparition en laissant la toile vierge sur son épaule, son front, son corps, elle est comme absorbée par la toile, dont on imagine les taches grandir, comme elle est absorbée par le terrible milieu dans lequel son temps n’existe plus, avalé par celui de l’autre, celui de la Loi, qui lui prendra son enfant quand il aura dix-huit mois. Les arbres sont des barreaux, la nuit son quotidien et ses mains, comme son corps ne servent que le permis, l’autorisé, le soumis et sa pensée, elle aussi …. Cette femme est en prison, CLOVIS y travailla, il témoigne.