La porteuse

porteuse

Ce que j’aime dans le français c’est sa pauvreté de sons et sa richesse d’échos. L’amer, la mer, la mère, l’âme erre, lame d’air …. Oui, il y a un D, mais le dé c’est pour coudre les mots et jouer au hasard, dans l’allée à Thouars – jolie petite ville où il doit y avoir un bistro où l’on joue avec les mots.

Les mots ne sont pas avares de sens, ils les sèment au creux de nos pensées, bien enfouies sous les couches de l’évidence de la bienséance, de la compréhension directe du deux hait deux font quatre. Pour la peinture, pour celle d’AÏNI par exemple, c’est la même chose : on n’est pas obligé de voir ce que le voisin y voit et mieux encore, ce que le peintre a cru y mettre.

En fait, les peintres, les artistes en général, nous transforment en voyeurs, en détrousseurs de pensées, en brouteurs de gazon producteurs de lait ou de bouse… J’aime ou j’aime pas … c’est un peu court comme littérature, dans deux minutes tu vas me parler « de l’univers de l’artiste et de sa passion » histoire d’économiser ce que pourtant l’artiste t’offre : la pensée.

C’est quoi « La porteuse » pour AÏNI ? J’y vois une maman avec deux enfants. Tous sont nus. AÏNI, qui a réalisé des défilés de mode, ne doit pas savoir dessiner les petites culottes, mais c’est pas grave, c’est sa licence.

En regardant cette petite œuvre, je pense à la photo que Nick Ut a pris en 1972 de Kim Phúc se sauvant nue de son village dévasté par le napalm, mais je pense aussi au bonheur des enfants à patauger dans les flaques d’eau, bonheur qu’ils adoreraient partager avec leurs mamans. AÏNI a la grandeur d’ouvrir notre appétit à bien plus grand que l’évidence. Ce type a la dangerosité de l’ouvreur de pensées. C’est un artiste.