Le café des amoureux

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Ces deux peintures, « l’homme en coin de PAULINO et « Le café des amoureux » de GOBBÉ, présentent les mêmes protagonistes : une femme à gauche, un homme à droite et une bouteille, mais surtout décrit ce qui semble être une rencontre et une discussion, une discussion intime, de l’ordre du lien ou du dénouement.

Le lieu de la scène est plus fermé chez GOBBÉ. Elle l’est à la fois par les banquettes et par les murs et les personnages se regardent et leurs mains sont liées, ce qui n’est pas le cas chez PAULINO où la femme regarde l’homme qui, lui, nous regarde ou a le regard qui se perd dans notre direction. L’espace est ouvert sur les yeux de la ville. Toutefois il se ressent un sentiment d’une profonde intimité entre eux, comme lors d’une pause dans une conversation que seules leurs oreilles peuvent entendre.

L’idée n’est pas de comparer ces deux artistes, l’idée est de voir les points de convergence, comme la puissance des cernes qui contournent les personnages, comme la palette des couleurs si particulière à l’un comme à l’autre.

Les cochons ne font pas de peinture, donc GOBBÉ ne peint pas comme un cochon, il peint ! Que cette peinture ne cultive pas le gracieux, le consensuel, le gentiment acceptable, qu’elle soit plus Camembert que Gouda, plus Punk que chansonnette, est une certitude absolue et ce que l’on peut lui reconnaitre, outre sa complexité, sa matière, son traitement approximatif de l’anatomie, est une ode à la peinture et à l’impérieux besoin de l’utiliser pour dire, pour exprimer, pour évacuer.

Et GOBBÉ, au vu des considérables épaisseurs dont il recouvre ses toiles, a des choses à évacuer.

La peinture de Serge GOBBÉ est une lettre. Ce n’est naturellement pas le seul peintre à écrire en utilisant des pinceaux comme stylos, pour métaphorer et entrainer ses lecteurs sur des chemins de traverses pour en égarer certains et partager avec d’autres….. Les cochons n’écrivent pas plus qu’ils ne peignent et si GOBBÉ semble, pour certains, écrire en faisant beaucoup de pâtés, c’est sans doute plus par son désir de donner à manger que par maladresse. On peut dire que la peinture de GOBBÉ est du type roboratif et qu’il ne faille ni être au régime, ni avoir des restrictions alimentaires pour croquer dans sa pâte.

Bien souvent la peinture est un objet qui s’accroche et à qui on demande la courtoisie d’accompagner, en se glissant dans un décor déjà constitué et à qui on demande de ne pas hurler en dehors de la bénédiction de la signature qui lui est apposée. Pour prendre une image, Kurt Cobain pouvait arriver débraillé au milieu des smokings, c’était Kurt Cobain, il créait le grunge, pas sûr que Serge GOBBÉ puisse aller à la Soirée de l’Ambassadeur et se faire des miettes de déjections chocolatées sur sa veste, si elle n’est pas à queue de pie …

Les peintures se regardent, mais pour les voir il faut s’y plonger. Certaines n’ont rien à dire, elles ne sont que l’écho d’une mode, d’une construction, d’un désir fabriqué, d’autres sont des animaux sauvages détrousseurs d’opinion, renverseurs d’habitudes et railleurs de conventions. Les géniteurs des iconoclasties mangent avec les doigts et s’essuient sur leur chemise.

Ce n’est pas être incorrect qui compte, ça c’est de l’enfantillage, c’est d’oublier d’être correct sans en faire un principe, ni une gloriole et il est des fois nécessaire d’oublier les autres pour se retrouver et s’accepter.

Ce qui compte pour eux est ce qu’ils ont à dire, ou plutôt est ce qu’ils ont à découvrir de ce qu’ils ont à dire. L’acte de peindre, de créer, est un acte de découverte personnelle pour l’artiste, mais aussi pour nous qui nous inventons ou nous découvrons dans son œuvre.