Guy Béraud est un compulsif du dessin. Il a rempli, à la manière d’un capitaine, comme un vieux loup de mer dévorant les moutons qui fleurissent sur le gazon mouvementé des océans, des centaines de carnets sans en être rassasié. Alors, son immense voracité le fait attaquer des quantités hectométriques de papier, qu’il couvre d’ébauches sans la moindre vergogne et qu’il entasse en tentaculaires et mouvantes assemblées, pour, en laissant son œil s’accrocher à la lecture rapide d’un effeuillage de pile, en piocher un exemplaire.
L’élu sera regardé, retourné, découpé, agrémenté de couleurs, graffé et déposé pour maturer et peut-être être repris, et là, quasi ultime alchimique étape, Guy le couchera sur toile, enduit de colle et de couleurs, cerné, ombré et à nouveau graffé, et, pourquoi pas, accompagné d’un autre qui lui aussi sera découpé et collé… Le nom viendra.
Le papier maintenant étendu et sec et attentif, attend la profonde fouille de Béraud qui le guette. Il s’anime, se trahit, raconte à Guy ce que Béraud fit et que Béraud entend y trouvant la raison du nom qui surgit et baptise.
Le dessin enseveli sous un travail aigüe n’a qu’un lointain rapport à l’œuvre dont il est la racine. Il n’était que l’ébauche, sans lui rien ne se faisait.