Les derniers poissons

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A Dunkerque c’est le hareng qui égaye les foules carnavalesques, pourtant le hareng n’est même plus sur les statistiques de pêche de cette bonne ville, dont les navires ramènent, de temps à autres, quelques obus d’hypérite mis sous le tapis d’écume quand il fallut nettoyer la titanesque table de la sanglante orgie, bal frénétique et noueur de malheur où les âmes massacrées s’éveillaient en mourant à la fraternité.

PAULINO, homme de tradition, n’oublie pas l’histoire maritime de ce grand port qui vécut beaucoup de la pêche. Il y a une note de nostalgie dans ce titre « Les derniers poissons ». PAULINO en montre un, là, vertical, montré par la dernière poissonnière, tout frais sorti de l’étale où dorment ses si rares collègues. Il fut un temps où traverser la Manche était une hypothèse, la prairie s’étendait, broutée par les mammouths, comme l’atteste les filets qui en remontent défenses, crânes et ossements.

Puis, il fit un froid de trois kilomètres d’épaisseur de glace qu’un lent réchauffement fit fondre en fleuve, puis en mer envahie d’océan et nourricière de poissons. Les hommes labourèrent de leurs vaisseaux la liquide cicatrice, l’exploitant en égout, en décharge, raflant tout ce qui s’y trouve. Il ne restera bientôt qu’un souvenir de poisson et d’ici peu, l’homme du tableau en chapeau et au visage de chat, n’aura en mémoire qu’une lointaine odeur dont il aura oublié l’origine.

Peut-on vivre sans poisson ? La Baltique, la Mer du Nord et la Manche attendent la lente et silencieuse explosion des cent millions d’obus rongés de sel, de rouille et d’abandon. Les étales seront déserts, il n’y aura plus d’yeux pour le voir.