Le pot de bière

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Les œuvres de Serge GOBBÉ ne se livrent pas au premier coup d’œil et il faut une certaine ténacité pour y voyager et y faire ses courses, car, mais c’est sans doute le lieu de toutes les œuvres d’art, on ne voit chez lui que ce que l’on a envie ou la possibilité d’y voir.

Ce tableau n’a pas été nommé par Serge et il n’est pas daté. Au premier coup d’œil j’y ai vu un grand lit vert sur lequel sont posés divers objets que je ne comprenais pas et un bock de bière. C’est le bock de bière qui me donna l’idée de nommer ce tableau « Le pot de bière » … Comment l’aurait appelé Serge ?

Je n’avais pas vu les deux personnages qui se font face, séparés par cet effet de lit, ce qui fait que maintenant je me méfie et je cherche systématiquement, dans les toiles de GOBBÉ, ce qui peut apparaître anodin, là, posé dans un coin ou sur le bord, et qui me semble si essentiellement déterminant, mais de quoi ? … Cette part de mystère est l’un des grands intérêts de la peinture de GOBBÉ.

Puis, j’ai vu les poissons, ce qui détruisait l’idée de lit pour en faire une table, et j’ai pensé aux repas d’abandon, ceux que l’on fait par obligation de survie et pour justifier la soif qui les précède, les accompagne et les suit.

Ces deux personnages séparés par la table se parlent. Celui de droite parle du lit, de la table, qui les séparent. Ce lit, cette table sont l’image de l’infranchissable Styx. Le traverser pour retrouver l’âme perdue est illusoire. Ne le tente pas et défais toi de l’illusion de l’alcool qui embrume l’esprit à croire possible la traversée du miroir. Écoute toi et ne tente pas de m’entendre, je ne suis que ta voix. Ce n’est pas me trahir que de nourrir ton corps. Le mien n’a besoin que d’un tendre souvenir. N’oublie que ce fleuve pour toujours nous sépare.

De toutes évidences le côté décoratif de la peinture de GOBBÉ n’est que très secondaire, ce qui ne retire en rien son inconscience à ne parler que de lui sans aucune volonté d’essayer de nous plaire. La peinture de GOBBÉ est âpre et dérangeante pour certains, les autres, et en particulier ceux qui en possèdent depuis longtemps, disent leur satisfaction de vivre avec ses œuvres si fortes, car au-delà de la séduction GOBBÉ s’installe et demeure comme s’installe et demeure l’accent du parler que l’oreille n’entend plus mais dont l’absence fait défaut.