Audiard l’avait bien dit « Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages » … Adam et Eve, ou plutôt Eve et Adam sentaient monter en eux la sève de la révolte et ça fait rigoler le singe à casquette qui leur dit qu’ils avaient bien pris leur temps pour se décider. Eve n’a pris que le nécessaire et Adam a oublié la montre de ses bientôt cinquante ans. Déjà la nature envahit tout et n’importe quoi, étouffant les usines, écrasant les maisons, menaçant d’abattre la raideur des fumées portées haut vers le ciel par les somptueuses cheminées de la puissance humaine.
Avant tout était clair, ils étaient l’un et l’autre l’alfa et l’oméga de l’humanité et le nombre des grains de sables semblait indépassable aux générations qui leur devaient la vie. Pourtant, malgré les efforts d’implacables héros, la courbe de l’efficience fléchissait dans le vibrant tumulte du piétinement de leur immense descendance . Rongé par le doute et corrodée d’acide, le vulgaire enchaîné à ses dettes oubliait l’achat, le culte, la mémoire et devenait déchet sur lequel poussait l’herbe interdite de la pensée.
Eve goûta une de ces jolie pommes, toute rouge et toute ronde, du gros tas qu’elle mettait en rayon. Elle y tomba, raide endormie et rêva d’un bel arbre au feuillage accueillant, de fruits juteux et sonores sous ses dents, de caresses d’Adam et d’un fluet serpent …. Elle fut virée ainsi qu’Adam.