EXPO DU 3 SEPTEMBRE AU 15 OCTOBRE 2021
Que de larmes et que d’autres
substances transparentes, lacérées par l’étude, remplissent à
déborder ces bocaux posés à même le sol, perlant à en nourrir
les lames de l’antique parquet, près du vieux coffre, qu’aucune
clé ne saurait faire parler.
Ils vous guettent dans la pénombre
à peine perlée d’éclats lumineux scintillants sur le verre de
leur peau, pour attester et vous prendre à témoin des humeurs et
des larmes, des vôtres peut-être, qui dorment dans leur seins,
extraits des émotions, des troubles et des envies, mais aussi des
joies et des rires, que le mélange et la concentration a transformé
en terribles venins .
Le lieu, habité d’odeurs fanées, est une
grotte, un ventre, filtrant lumière et son, écartant le flux de la
vie du commun, il vous porte à oublier, à n’être plus que
torpeur, hors celle de l’esprit qu’il faut laisser aller à
flotter et à rêver et à suivre sa pensée, oublier le corps sans
le laisser aller, au risque qu’il n’aille renverser les nectars,
les rendant hagard à serpenter sur le sol détrempé.
Il faut quelques mots, comme autant de
clés, pour franchir les fanons du sas et pousser l’ultime barrière
de cet autre monde façonné par JENNIFER MACKAY. Ces mots c’est
elle qui les porte et qui vous les confie. Ces mots vous préparent à
entendre ceux qui dorment au creux de votre souffle, ces mots ténus,
fragiles, comme écrit sur le brouillard des émotions, ces mots que
l’on sait être, mais que l’évanescence rend si difficile à
prononcer sans que le corps, qui les tient prisonnier, ne les laisse
partir qu’au flot du sanglot du rire ou de la peine.
Ce que
JENNIFER nous propose est une page que nous avons la liberté de
saisir et que nous seuls sommes capable de remplir, c’est un décor
qui fait de nous le sujet, même déformé dans ce miroir curieux qui
nous regarde autant qu’il nous reflète.
Le sas ne se franchi
pas de la même manière à l’entrée et à la sortie. Jennifer est
là si les mots sont trop vastes, pour en recueillir un peu de ceux
que vous portez.
Les artistes sont des portes, en en poussant le
vantail de l’œuvre proposée, c’est soi-même que l’on voit,
reste à se reconnaitre, ce qui n’est pas le plus facile.
Crépuscule
?
Peut-être.
Abandon de l’enthousiaste néon du « rien », sans aucun doute !
Ici
la pénombre, appuyée du son assourdi de méandres de lin, se
glisse, hors du sas, à la conquête de l’œil, qu’elle caresse
d’une pluie de photons alanguis. Il faut quelques pas pour voir où
mène la prudente enjambée que l’oreille peine à guider.
Entrer
dans l’installation de Jennifer MACKAY est lui rendre l’hommage
de l’abandon, comme on se glisse dans l’écoute d’une histoire,
guidé par la main invisible, au déplacement si lent, qu’elle nous
confia en nous ouvrant la porte. L’œil, éclairé de lenteur,
découvre et plonge à l’appel de mémoire et lit, dans cet espace
si dense, ce qui s’écrit sur le grand livre des émois, que chacun
porte en soi, si pesant à en tourner les pages à la lumière du
jour et si volubile, quelques fois, à la lumière du doute.
Jennifer
MACKAY nous tend un miroir, à nous de nous y voir.
La
porte, ménisque vertical, miroir liquide de Cocteau, fut franchie
par Orphée.
De la lumineuse Eurydice il ne ramena que
l’ombre
qui, maintenant, le suit, à lui manger l’âme.
JENNIFER
MACKAY, gardienne du fragile opercule, chevelure de textile, racines
venues du ciel, vous guide, comme Orphée le fut, à passer le pas de
l’huis protecteur.
Orphée avait des gants pour franchir la
barrière de son intime désire, Jennifer, elle, vous guide de ses
mots pour habiter l’ombre de l’au-delà du voile qui s’écarte
en
vous délaissant de l’âpreté rêche de la ville pour vous
recevoir dans la quiétude du ventre de vos pensées
si vous vous
laissez bercer
au sein de ce lieu parfumé il est avant tout
question de se retourner, de se contempler et d’envahir l’ombre
pour s’en habiller.
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