GUY BERAUD, enfant, a voulu devenir artiste, ce qu’il est devenu en apprenant d’arrache- pied à l’être, comme on retourne la terre, comme on sème et soigne sans cesse, pratiquant le moindre des acquis, montant chaque marche découverte de l’escalier sans fin, qu’il sait encore, ne mener qu’à lui.
Béraud affecte sur son travail une distance joyeuse, presque désinvolte, un peu moqueuse, pour ne pas effrayer, décourager, froisser, ceux qui lui font l’honneur de se plonger dedans et avec qui il parle, laissant croire qu’il rit, bien que disant sa profondeur.
Il faut, pour lire le travail de Guy Béraud, se détourner de l’évidence du convenu, enjamber les chausse-trappes des titres, s’accrocher à un détail et l’oublier pour parcourir ses alentours, puis se baigner dans la richesse des fonds et à nouveau tout gommer, pour ne plus voir que le tout, comme on regarde un paysage où l’on découvre ce qui se présentait et qui attendait notre envie de voir.  

C’est l’heure, ou presque, à laquelle il faut ranger les Béraud. Tout à une fin, bien que la nôtre, de faim, reste entière le concernant. Quelques jours encore pour suçoter les dernières parcelles de temps qui ont fait le miel des curieux, des affamés de pas de côté et des regards en biais. Béraud est un type joyeux, plein de sève et d’histoires, c’est un arbre sur lequel les mots se posent en images, pour raconter des contes à rêver, pour avoir un peu peur, à la manière des légendes des landes et des forêts. Les toiles de Béraud sont de belles tapisseries, profondes aux regards attentifs …. Il reste si peu de temps à s’y confronter… Le 27 octobre ça sera fini.

Guy Béraud, ce nom est à lui seul une poésie, un prologue d’aventure, une ballade sylvestre à faire craquer les branches basses des feuillus vermoulus et gorgés des humeurs matinales des cieux laboureurs de vallons. Le prononcer c’est sentir l’humus frémir d’humeurs tant animales que végétales. « La Forêt de l’Ours Commandeur », comme le veut la profondeur historique des sons qui forgèrent ses noms et prénoms, aime le fourmillement des couleurs et des formes, l’entrelacs racinaire des reliefs, les masses colossales buveuses de regard. Guy Béraud est un peintre végétalien tendrement amoureux du grouillement arthropodien à forte teneur paréidolique. Ses paroles sont un discours de feuillage s’animant aux vents des regards que l’on porte à son travail. Guy image en riant, oubliant les mots des savantes théories, il parle en gourmand, en Ours bien léché, protégeant la sincérité de son art d’un voile de distance que l’on peut prendre pour de la dérision mais qui n’est qu’une politesse adressée à son éventuel contradicteur. Tout art nécessite du temps, celui de Béraud n’échappe pas à la lenteur pénétrante qu’il faut lui adresser, au risque, fort certain, d’en vouloir parcourir les frémissants sentiers.  

Un Béraud c’est comme une balade en forêt : il faut franchir l’orée en écartant les folles fougères fouetteuses de mollets, grimper l’éventuel talus où poussent les ronciers aux longues tiges agrippeuses de textiles et se laisser aller à percer la pénombre pour y distinguer ce que l’exubérance, le foisonnement, l’explosion de couleurs, de matières, de formes du premier plan, qui captivait tant notre attention de départ, semble nous cacher.
Béraud raconte. Il raconte avec une fantaisie que l’on pourrait percevoir comme logorrhéique et que certains redoute tant cette rieuse agitation peut leur faire croire à l’épouvante du cauchemar. Béraud convoque les gnomes, les fées, les insectes des tragédies burlesques des histoires pour enfants, ça gigotte beaucoup, mais à bien y regarder ça ne grince pas du tout et c’est moins tumultueux qu’une sortie de métro à l’heure où les pointeuses s’endorment. Béraud est un tendre, un peu moqueur tant de nous que de lui-même, surtout de lui-même, et c’est un homme pudique qui nous propose d’être patient pour le découvrir.