Un enfant de Puteaux ni retrouverait
pas ses p’tits, alors imaginez ceux d’Argenteuil …. c’est que
ça a poussé un maximum depuis que Gérard CREPEL a planté son
chevalet dans ce qui était encore un bout de campagne. C’était en
1994, il y a 27 ans, Cabrel chantait la Corrida, le tunnel sous la
Manche ouvrait, on découvrait de la grotte Chauvet et Crépel avait
déjà sa barbe. Gérard a vécu dans une de ces petites maisons au
toit rouge du second plan, maisons environnées de champs, de
jardins, d’arbres. La barrière de béton, arrosée de pognon,
courait dans la campagne depuis les années 58, bombant ses tours et
ses arches, masquant le Mont Valérien que Crépel représente, quand
il se voyait encore, de son point de vue sans doute disparu. Cette
peinture est un document d’urbanisme et l’expression du savoir
faire d’un peintre. Dans cet immense décor deux cultures
s’affrontent sur une terre profanée, que certains nomment terrain
vague, l’une de béton, l’autre de tuiles et de meulière. Avant
l’herbe poussait dru et nourrissait les hommes. Crépel lui rend
hommage et l’honneur du premier plan, tendant la main et le pinceau
à Nadine, elle aussi Crépel, pour qui le végétal est si important
et dont les toiles font face à
« Banlieue I, Argenteuil »
1994, 60 x 120, huile sur toile.
Les gares sont faites pour attendre,
pour attendre l’arrivée ou le départ, la joie ou le malheur.
Elles sont comme les boites aux lettres, indifférentes aux passions
humaines. Celle de Barentin n’échappe pas au sort de ses sœurs,
bien qu’au pied de l’immense tablier dont les muscles de brique
enjambe la vallée, elle est aussi l’objet des minutes égrainées.
Gérard Crépel y attendait sa violoneuse de fille que le
conservatoire et le train de Paris lui rendaient aux Week-End.
L’attente aiguisait son regard qui glissait sur la courbe que le
train parcourait en grinçant des freins, comme le ferait l’archet
d’un débutant effrayé. Gérard Crépel aime les trains à les
caresser du pinceau, à en faire les héros des scènes qui habitent
ses tableaux, celui de Barentin est de décembre 1994, les passagers
sont encore à bord des wagons tirés par les 60 tonnes de la motrice
de plus de deux mille kilowatts. Le paysage a, bien sûr, changé,
tout comme le train, tout comme la gare, du moins son intérieur.
Reste la courbe du monument, immobile mouvement, et le ciel qui lui
ne change pas, se contentant de s’habiller de nuages, de brume ou
de soleil, pour marquer les saisons et l’arrivée des trains et des
étreintes.
Il était temps ! c’est la
dernière semaine avant le Grand Changement ! La GALERIE 75 va
se mettre aux couleurs, si bien vues en ces fins d’années, de
l’impérialiste boisson promoteuse (il parait qu’il faille dire
promotrice) de diabète, autrement dit du diable dans la bête, et
donc se draper du rouge tant affectionné par CREPEL dans ses scènes
de gares, de supermarchés, de métro, de bistros, quand abandonnant
les pastel de jaunes et de verts, les bleus tendres et les rouges
fanés, il quitte la nature labourée de béton et de ferraille pour
nous peindre.
Des toiles de la première monstration, qui seront
toujours visibles sur demande, il fallait parler de ces jardins
ouvriers dont les carottes poussaient et poussent encore, mais moins
nombreuses, au pied de la Chapelle d’Arblay haut lieu du culte du
papier. Là encore 1994 est la date de cette belle photographie
pigmentée d’huile, révélée d’essence de térébenthine et
magnifiant son support d’aggloméré de bois. Gérard Crépel dans
cet ouvrage fait un lien avec les jardins d’Argenteuil – la
grande toile qui nous montre la Défense et les jardins ouvriers que
l’on devine entourant chaque maison au toit rouge dont il habitait
l’une d’elles, en plantant à côtés des salades et des bidons,
à Saint Etienne du Rouvray, la brouette paternelle et son appentis
en tôle ondulée. Crépel connait son affaire de peintre et nous
offre une citation, un clin d’œil à Cézanne que vous
apprécierez.
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